Explosions à Bruxelles. Des morts et des blessés à la dizaine.
Je veux exprimer ma tristesse, mon désarroi, mais aussi mon soutien.
Sur Facebook, une image d'un coeur aux couleurs du drapeau belge. Allez, je partage.
Mais sur cette seule image, des centaines de commentaires réclamant la solidarité avec les Palestiniens, les Turcs, les Ivoiriens, les Syriens, etc.
Comme si le fait d'exprimer compassion et soutien pour l'un niait l'autre.

Quand je dis à mon mari que je l'aime, ça ne fait pas que je n'aime plus mon fils.
Quand j'écoute et réconforte un ami, ça ne fait pas que je suis insensible à la détresse des autres.

Tous ces gens qui sont en guerre et qui souffrent...
Oui, c'est terrible.
Oui, c'est injuste.
Oui, ça me crève le coeur.
Oui, il faut que cela cesse.
Et la liste des souffrances et des injustices est bien longue. Les enfants qui meurent dans les rues de Rio, les bidonvilles de l'Inde, les jeunes filles excisées, les sans-abris dans nos rues, les femmes et les enfants battus, les accidentés de la route, la veuve et l'orphelin, les aveugles, etc. Oh, et nos amis animaux aussi : les dauphins pris dans les filets de pêche, les ours qui dansent à Moscou avec un anneau dans le nez, les chiens abandonnés sur le bord de la route, les tigres en voie d'extinction, les poussins écrasés, les vaches à l'abattoir, les gorilles dont on détruit l'habitat, etc. Et l'environnement aussi : les cours d'eau pollués, la coupe à blanc, la forêt amazonienne, les changements climatiques, etc.
Oui, la liste est vraiment longue.

Mais si ma compassion est immense, ma capacité d'action, elle, est beaucoup plus limitée et je ne peux m'occuper de tous et chacun autant que je le voudrais, autant qu'il le faudrait.

En demandant des comptes à ceux qui, dans le fond, ne font qu'exprimer leur compassion, est-ce qu'on ne leur dit pas aussi de se taire? S'ils ne sauvent pas tout le monde, on leur interdirait de n'en sauver qu'un? Ah, la belle logique, la belle justice.
Et on déplore qu'il n'y ait plus de compassion, plus d'émotion, plus d'humanité.
À force de se faire châtier, elle s'en est allée.

Pour ma part, je crois que, comme le dit le proverbe, charité bien ordonnée commence par soi-même. Pour espérer aider les autres, je dois d'abord m'aider moi. Ensuite, mes proches, familles et amis. Puis mes concitoyens et mes peuples (oui, j'en ai deux). Et après, le reste du monde, s'il me reste encore quelque chose à donner. Si chacun tends la main à son voisin au lieu d'ignorer sa détresse, le monde se porterait déjà bien mieux, même dans les zones chaudes de la planète.

Donc oui, j'exprime ma compassion, mon soutien et ma solidarité pour ceux qui partagent mes racines, mais non, je ne vais pas m'en excuser.